L’ENTRETIEN – Ambre Molins
A seulement 20 ans, Ambre Molins a fait une apparition fracassante sur les programmes, avec 47 victoires en 2018. Avec, à l’horizon, le statut professionnel qui se dessine, elle est prête à se “battre le plus longtemps possible” pour perdurer, à l’image d’une Delphine Santiago, “un exemple de longévité chez les femmes”.
SES PREMIERS PAS DANS LE MONDE DES COURSES
“Depuis toute petite, mes parents possèdent une maison de famille à La Touques. J’ai traîné sur les hippodromes, sans forcément avoir l’idée de devenir jockey. Comme je suis assez manuelle, je ne voyais pas réaliser de longues études et j’ai toujours été proche des animaux. Je fais du sport depuis très jeune (athlétisme, équitation, boxe) et j’ai pu rapprocher le lien de la compétition avec celui des chevaux.
Un jour, j’ai vu une première course par curiosité sur internet. J’avais tapé “courses hippiques” sur Youtube et j’étais tombée sur le Prix Vermeille remporté par Zarkava. Depuis ce jour, j’ai su que je voulais devenir jockey.”
SON ARRIVEE CHEZ FREDERIC ROSSI
“Après deux années d’apprentissage chez Elie Lellouche, j’ai passé deux ans et demi dans l’écurie de Carina Fey. Elle m’a donné l’opportunité de monter en course mais il était très difficile de courir régulièrement. Cette période a été compliquée à gérer car peu de monde me connaissait.
A ce moment-là, j’ai décidé de faire le meeting de Deauville en étant free-lance, pour tenter de trouver un entraîneur pour qui je puisse monter. Cela m’a permis de rencontrer Frédéric Rossi, qui m’a demandé si j’étais disponible pour travailler dans son écurie. Je n’ai pas réfléchi une seule seconde et je suis ainsi partie à l’aventure à Marseille.
Lorsque je suis arrivée à Marseille, le premier mois s’est très bien passé. J’ai rapidement monté régulièrement mais cela s’est compliqué ensuite. J’avais déjà vécu cette situation, où les propriétaires n’étaient pas forcément convaincus que je monte leurs chevaux. Je reste une apprentie avec peu de métier. C’était une des raisons de mon départ de la région parisienne.
Lorsque qu’ils font appel à Pierre-Charles Boudot, Maxime Guyon ou un autre grand jockey, c’est sûr qu’Ambre Molins, ça ne leur parle pas. Comme il y a pas mal de business et que les propriétaires ne veulent pas prendre de risque de perdre de l’argent, c’est difficile. Ils aiment bien apprendre à nous connaître pour se faire leur propre avis. Il a fallu acquérir leur confiance. Si je n’ai pas leur confiance, les entraîneurs ne peuvent pas suivre derrière. Il faut donc persister, se donner les moyens et “se donner le temps ” comme dirait Monsieur Lellouche. C’est pour cela que j’ai obtenu ces résultats cette année. Sinon, je n’aurais pas pu arriver à ce stade-là.”
SA RELATION AVEC SON AGENT DAVY BONILLA
“Cela fait un an et demi que l’on travaille ensemble. Nous nous sommes rencontrés au cours du meeting de Deauville. Il montait quelques lots pour le plaisir pour Frédéric Rossi, à l’entraînement. Nous avons eu nos premiers contacts de cette façon. Nous nous sommes expliqués nos attentes respectives et lorsque je suis descendue pour Marseille, c’était parti.
Il me coache de A à Z. Nous faisons le papier en profondeur mais il me laisse mon autonomie. Il a été un grand jockey donc j’ai 100% confiance lorsqu’il me prodigue des conseils. C’est plus qu’un agent, c’est un coach.”
SON PROCHAIN PASSAGE CHEZ LES PROFESSIONNELS
“Pour la perte de la décharge, je ne pourrais pas me permettre de dire que je n’ai pas peur. Je me remets en question tous les jours car je ne me dis pas “je vais avoir ma place”. Je ne suis pas assez confiante pour dire que je ne vais pas avoir peur… mais à la fois j’ai hâte.
Je vais faire en sorte de me donner les moyens, même dans ma vie personnelle, comme par exemple avoir une bonne hygiène alimentaire pour ne pas changer notre horloge interne. La nutrition m’intéresse beaucoup et par rapport à cela, j’essaye de bien me nourir. Le sommeil est également important, donc il faut faire attention à ne pas se coucher trop tard.”
SON ENVIE DE S’INSCRIRE DANS LE TEMPS
“Le plus important pour un sportif de haut niveau, c’est d’être à 200% tous les jours, tout le temps. Les gens attendent ça de nous en permanence. Pour 2020, j’aimerais être dans le top 15 et, un jour, être Cravache d’Or des femmes. Les objectifs sont peut-être élevés mais il faut s’en fixer pour pouvoir avancer. S’il faut faire du “Marseille-Amiens” tous les jours en voiture, (comme elle l’a réalisé à plusieurs reprises cette année), je le ferais. Tout est dans la tête. Lorsque ça va bien, la fatigue se ressent moins. Mon patron ? Lorsqu’il me voit là-bas, il me dit “t’en as pas eu assez ?”, et je lui réponds “non, je n’en ai pas eu assez”. Je veux me battre pour avoir ma place lorsque je serais professionnelle.
Il y a un très bon exemple de longévité chez les femmes, c’est Delphine Santiago. Elle a 40 ans, elle est encore sur les champs de course, partout en France, elle résiste et figure dans le top 30 des jockeys. J’ai un profond respect pour cette femme car elle est entrée à l’école du Moulin à Vents à 14 ans, elle est encore là et en bonne santé. Malgré des jeunes de 20 ans, elle arrive à gagner des courses. C’est exactement la carrière que j’aimerais avoir. Cela montre qu’il n’y a pas beaucoup de femmes qui ont perduré, mais elles n’ont rien lâché. Je vais faire en sorte de me battre le plus longtemps possible.”
© Scoopdyga, JMA Photos
Catégories: Non classé
Très joli portrait et interview de Ambre Molins, du talent à revendre !